"Doctor Who et la Guerre du Temps" - Russell T Davies
Mais les Daleks et les Time Lords criaient en vain, trop loin pour l'arrêter maintenant. Et le Docteur se retrouva seul.
Il regarda de ses yeux, à travers l'épave de milliers de mondes. En dessous de lui, des fragments de la guerre du temps, des récifs brisés de Gallifrey et Skaro échoués dans ce marigot, à pourrir. Sa plate-forme en bois grinçante frissonne à cause de la glace, à 1 km de haut, au sommet des fragments du Capitol rouge de Morbius, ses viles tours fondues dans le noir, flèches friables de l'église Yarvelling. Et pourtant, le Docteur arrivait à voir un aperçu de la Terre. La planète avait été reproduite 1 million de fois, pour devenir les balles tirées dans le crâne de l'enfant cauchemardesque, maintenant des éclats de la société humaine s'étaient creusés dans le désert en contrebas - des reliques de Mumbai, des éclats de Manhattan, une satire de la vieille ville de Londres. Vestiges de jours meilleurs.
Le Docteur baissa les yeux. Son squelette gisait à ses pieds. Les os devinrent poussière puis elle partit. Le Docteur leva les yeux.
Devant lui, au bord de la plateforme, une poignée en laiton, montée dans un simple battant en chêne; la seule extrusion restante du Moment dans ce monde, le reste de sa vaste masse cachée, enchaînée à une forme N, tournant derrière le mur dimensionnel. Criant pour être utilisé.
Il s'avance. Il saisit la poignée. Il se demande quels devraient être ses derniers mots. Il décide que les derniers mots sont inutiles. Il tire la poignée vers le bas, à plat.
Le Moment arrive.
L'univers chante.
La guerre prend fin.
Entouré de luminosité, le Docteur voit le ciel se séparer pour révéler, comme Bettan et les Deathsmiths of Goth l'avaient prédit, l'événement final.
L'Original Gallifrey convulse et se transforme en flamme. Les anneaux concentrique de navires de guerre Dalek deviennent des silhouettes, puis des cendres, puis -
Le Docteur tombe. Chaque atome autour de lui est aspiré vers le haut, vers le feu, mais lui seul est capable de tomber, sauvé - ou damné - par l'ombre du Moment. Au dessus de lui, il sent le Time Lock se solidifier, isolant la guerre de la réalité, et alors que son corps tombe de l'existence, dans le plasmaspace, puis le foulspace, puis au-delà, le Docteur se laisse aller dans sa chute, la tête la première, les bras écartés, plongeant dans l'infini.
Seul.
Sauf...
Là.
Autre chose.
Chute.
Rotation...?
Un tourbillon bleu. Ce bleu fidèle. Puis un rectangle blanc, s'élargissant, une porte, se rapprochant de lui, et alors que la mouture des moteurs anciens atteint un crescendo, il pense : je rentre chez moi.
Le Docteur est allongé sur le sol du Tardis. Ses os brisés par la chute, son coeur brisé par sa perte. Autour de lui, la salle de la console se boucle, se déforme, frissonne, souffrant encore de la résurrection du Maître par le Haut Conseil, il y a longtemps. Il veut une nouvelle forme. "Moi aussi" marmonne le Docteur avec un sourire sombre, bien qu'il sache que la régénération soit impossible. Le Moment a figé son existence et cette vie est la dernière.
Il se demande quel âge il a finalement atteint. La guerre du temps a utilisé les années comme munitions ; rien qu'au mariage de la bataille de Rodan, il avait atteint l'âge de 5 millions, puis avait régressé pour devenir un bébé miaulant, simplement à cause des éclats d'obus. Maintenant, la douleur dans ses os semble... 1000 ans? Bien. Plutôt 900. ça sonne mieux.
L'obscurité envahit son esprit et il force un sourire, prêt et pourtant jamais prêt pour la fin. Mais toujours pas de derniers mots.
Mais alors...
Est-ce possible ?
Il la ressent encore une fois.
Cette vieille et profonde agitation dans chaque os, muscle et pensée. La joie. La terreur. Le changement, le changement impossible !
Surpris, il lève la main. Regarde, fasciné, alors que la peau ondule d'un nouvel or curieux.
Bien sûr. Elle l'a trompé, juste à la fin. Son dernier baiser n'était pas un au revoir; elle a insufflé la Restauration en lui. Son cycle de vie a été réinitialisé, le nouvel homme se précipitant vers l'extérieur pour naître. C'est donc le sens de sa dernière chanson : un tout nouveau corps pour expier la culpabilité. Il pourrait même passer la Restauration à un autre, un jour.
Soudain, ils arrivent précipitamment, ses derniers mots. Il les dit à haute voix, mais il n'y a personne pour les entendre, ce qui permet de les imaginer et de les imaginer à jamais.
Puis ses noyaux se transforment en étoiles. Chaque pore flamboie de lumière. Un volcan de canons d'énergie épais et visqueux sort de son cou, ses mains, ses pieds, ses tripes, son cœur, son âme - ça s'arrête.
Le Docteur s’assoit. Le nouveau Docteur, prochain Docteur, Docteur actuel. Il lève ses nouveaux doigts pour toucher sa nouvelle tête. Son nouveau menton. Son nouveau nez. Ses nouvelles oreilles. Il respire profondément dans ses nouveaux poumons secs et larges. Il dit son premier mot.
"Blimey!"
Texte par Russell T Davies.
Traduction par Doctor Who France.
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